Entretien avec Frédéric et Annik.
Présentation des propriétaires des lieux et du domaine
Bonjour à vous deux, pouvez-vous vous présenter rapidement ?
Bonjour, je suis Frédéric Denizet le propriétaire de la Campagne Sigalloux et le président fondateur de l’association Sigalloux.
Bonjour, je suis Annik Hubens trésorière de l’association.
Depuis combien d’années le domaine est-il dans la famille ?
Frédéric : Le domaine a été acheté par le grand-père de mon arrière grand-père Pons-Charles Sigalloux l’an II de la république, c’est à dire en 1794. C’est une propriété qui est dans la famille depuis plus de 200 ans et malheureusement nous vivons une époque où il est très difficile de conserver son patrimoine. C’est aussi une des raisons de la création de l’association.
C’est coûteux ?
Autrefois il suffisait d’être propriétaire pour être riche, maintenant il faut être riche pour payer toutes les charges qui vous tombent dessus. D’autre part, la transmission est difficile, quand un bien a une certaine valeur, les enfants doivent vendre en indivision ou se partager la valeur. Le plus souvent, ça provoque la vente. Je souhaiterais que la propriété reste dans la famille, qu’elle garde son intégrité, qu’elle ne soit pas morcelée en lots, que la maison ne soit pas partagée en appartements, ce qui ferait complètement perdre son âme à cette propriété qui a une âme très ancrée dans le temps.
Quelle est l’histoire de la propriété ?
Cette propriété a la particularité d’être travaillée depuis très longtemps, quand je dis depuis très longtemps c’est parce que je ne sais pas depuis quand. Ce que je sais c’est qu’on a trouvé un pied d’amphore romaine et certainement les romains la cultivaient déjà. Peut-être avaient–ils déjà commencé tout un réseau d’irrigation. C’était une propriété de valeur car c’est une terre en plaine, une terre arrosable et de qualité. Ca a sans doute, contribué à donner beaucoup de valeur à cette propriété à une époque où la région n’était pas sûre et où il fallait vivre dans le village pour se protéger, notamment des invasions. C’est ce qui condamnait les agriculteurs à cultiver dans les collines autour du village plutôt que d’aller chercher les bonnes terres qui parfois étaient loin. A l’époque, on allait sur ses terres à pieds ou avec un animal, on mettait beaucoup de temps pour aller sur sa terre et en revenir donc si elle était loin, le temps du chemin c’était du temps de travail en moins. Donc cette propriété qui est à quelques minutes à pied du centre ville historique du Luc était forcément une propriété extrêmement convoitée. L’acte le plus ancien que j’ai, c’est un acte fait par la famille Issaurat qui était propriétaire ici au début du XVIIIème siècle. Je sais par recoupement que Jean-Baltasar Issaurat était propriétaire et qu’il a été marié à sa tante probablement pour garder cet héritage mais il n’a pas eu d’enfant, donc cette propriété a été mise en vente ainsi que d’autres d’ailleurs et c’est Pons-Charles Sigalloux notaire et avocat à Flayosc qui a eu l’opportunité de l’acheter on ne sait pas dans quelles conditions, mais il l’a achetée en viager. L’acte date de 1794. En 1796 Jean-Baltasar Issaurat refait un acte en décrivant exactement ce qu’il y avait dans cette maison au XVIIIème siècle. Pons-Charles Sigalloux a pu avoir la pleine propriété à la mort de Jean-Baltasar Issaurat en 1807 et il a tout de suite mis des fermiers. Sur l’acte de fermage, on s’aperçoit que ça devait rapporter beaucoup d’argent, il donne la propriété en fermage à deux frères dont l’un était boucher au Luc. Il devait avoir son stock d’animaux à proximité et pour lui c’était important. On voit aussi dans l’acte de fermage que mon ancêtre était un homme parfaitement au courant parce qu’il sait ce qu’il faut faire, à quel endroit il faut le faire, il dit par exemple comment réutiliser le fumier des moutons. C’est un homme qui, même s’il était notaire, connaissait très bien la campagne et savait très bien la gérer. Pons-Charles Sigalloux est mort en 1817 et il a laissé à son fils Jean-François Sigalloux les propriétés de Flayosc et à sa fille Caroline Sigalloux qui était plus âgée celles du Luc. Elle a été mariée à Hippolyte Baliste maître de poste à Vidauban, ce couple n’a pas eu d’enfants. Par une opération qui semble avoir posé problème Jean-François Sigalloux s’est retrouvé propriétaire de l’ensemble des propriétés familiales. Après, la propriété s’est transmise jusqu’à ma grand-mère Marie Marguerite Sigalloux , qui est décédée en 1944 de la tuberculose et ce sont ses fils qui ont hérité Paul Denizet et Bernard Denizet mon père qui est décédé en 1981. Après partage c’est moi qui ait hérité de la propriété. Elle est morcelée, elle a déjà subi des divisions mais elle a encore une intégrité et une personnalité qui en font un patrimoine important mais en même temps une très lourde charge.
Effectivement une telle surface ?
C’est aussi le problème de notre situation : si nous avions une situation idéale au XVIIIème siècle où la propriété était en dehors du village, maintenant elle est à l’intérieur de l’agglomération. On a ce paradoxe d’avoir une propriété agricole dans une agglomération. Le problème c’est que nous sommes dans une commune qui connaît une forte pression à l’urbanisme et la population a augmenté de 50% en 5 à 10 ans et actuellement les terrains urbanisables sont rares, pour l’instant nous sommes en terre agricole et rien ne prouve que nous ne serons pas mis en terre à construire pour répondre aux besoins de logements. Ca se conçoit au point de vue de l’urbanisme et la démographique, par contre je tiens à souligner que notre patrimoine est un patrimoine immobilier, historique, paysager, naturel et que ça serait à long terme très dommageable de bétonner ce patrimoine. Plusieurs personnes m’ont aidé à prendre conscience que j’avais un patrimoine qui méritait d’être valorisé. Au départ je ne le voyais pas comme ça car je suis né ici et même si j’ai fait une partie de ma carrière d’enseignant dans l’Ouest de le France, je suis toujours revenu ici pour les vacances. Pour moi c’est un lieu intime dont je ne mesure pas les particularités et la valeur. Pour moi c’est un lieu banal. Ce sont donc des personnes extérieures à la famille qui m’ont aidé à prendre conscience de la valeur de ce patrimoine et de la nécessité de le garder et de le faire partager.
Il est évident qu’ici le lieu n’est pas banal pour la majorité de la population !
Voilà, je le vois en tant qu’enseignant : les élèves que j’ai pu avoir tout au long de ma carrière n’étaient pas habitués à se trouver dans un lieu historique, un lieu avec une histoire. La plupart des enfants vivent dans des logements qui ont été créés récemment et cette notion du passé est abolie. Ils n’ont plus de représentation du passé car bien souvent leur maison est très récente, les éléments qui la composent sont aussi très récents et peu d’objets ont plus de cent ans, voir pas du tout. On est à une époque de consommation où les enfants sont habitués à ce que les choses changent, par exemple, les parents changent les canapés tous les 5 ans, ils refont les peintures tous les dix ans, à la fin d’une vie, il ne reste plus grand chose à transmettre. Il est fondamental de mon point de vue, je le dis en tant que parent et en tant qu’enseignant, que les enfants puissent aller dans des lieux où le passé, l’histoire, la durée devienne sensibles. On va dire effectivement que les cours d’histoire leurs apprennent le passé mais c’est quelque chose de purement intellectuel, c’est vrai qu’on leur donne des documents, des photos à consulter mais ce n’est pas une expérience sensible. L’expérience sensible s’acquiert quand il y a immersion dans un lieu, avec toutes les composantes sensorielles qui sont liées à ce lieu et c’est à ce moment-là qu’on peut ancrer une connaissance dans une émotion qui est directement tirée, des sensations procurées par le lieu.
Depuis quand entretenez-vous la propriété dans ce but ?
J’ai pris cette propriété en 2004, Suite à un deuxième partage, mes frère et sœurs ne souhaitaient pas se mettre sur le dos une aussi lourde charge et j’ai accepté de le faire, par passion certainement, et j’ai commencé à travailler il y a dix ans, à la fois dans les jardins et dans la maison. C’est une maison qui n’avait pas connu de travaux depuis quarante à cinquante ans, il fallait tout refaire et j’y suis encore.
Pouvez-vous nous en dire plus sur votre mode de vie ?
Notre mode de vie est lié au lieu lui-même. Le fait d’avoir des terres ça permet d’avoir un potager. C’est aussi lié aux contraintes, je me suis installé là, seul avec mes 5 enfants et il fallait subvenir à tout, avec un salaire d’instituteur y compris les études supérieures des enfants, il était donc inimaginable d’avoir un mode de vie actuel, par exemple ma 2 CV m’a sauvé la vie parce qu’elle m’a permis de répondre à tous les besoins d’une voiture avec un minimum de frais. Ce sont ces contraintes qui m’ont amené à adopter un mode de vie qu’on pourrait dire « rustique ». Il est vrai que nous ne sortons pas beaucoup, que nous n’avons pas la télévision, ni le frigo américain, ni de climatisation, ni tout un tas d’objets qui sont considérés de nos jours comme nécessaires ou banals. Nous nous nourrissons pour une grande partie de ce que nous produisons. Nous produisons une bonne partie de nos légumes quasiment tous les fruits que nous mangeons, notre huile d’olive, nos fruits secs… Nous nous chauffons en partie avec notre bois de chauffage. Ca nous permet de produire des revenus en nature. Il est vrai, que cette rusticité pourrait être vécue comme de contrainte désagréable si l’on ne voit que le côté travail qui est nécessaire pour produire tous ces biens en nature.
Vous êtes presque auto-suffisants ?
Nous ne sommes pas tout à fait auto-suffisants, ce qui nous manque le plus dans notre alimentation c’est la viande et les produits laitiers. Ce sont les deux choses que nous sommes obligés d’acheter, ainsi que la farine pour faire notre pain. Cette rusticité nous a montré que finalement nous vivions beaucoup mieux de cette manière qu’en allant remplir notre caddy de supermarché avec tout un tas de choses qui sont prétendument bonnes et qui finalement ne sont pas durablement bonnes. Maintenant ça va être très difficile de manger de la nourriture produite industriellement, on me propose des chips, ça ne me fait pas envie, cela fait très longtemps que j’en n’ai pas mangé. Alors que quand c’est la saison des figues, je suis capable de me gaver de figues ou de tomates. C’est un mode de vie qu’on va dire beaucoup plus prêt des éléments de bases qui nous nourrissent.
Votre santé, depuis elle a changé ?
Pas vraiment, parce que je m’estime toujours en bonne santé. Je suis sûr effectivement que si j’allais passer une semaine chez des amis qui mangent au supermarché, je le ressentirai fortement.
Pour compléter cet aspect rustique qui peut paraître un peu triste, dans la mesure où ce sont beaucoup de contraintes de travail et puis peut-être pour certaines personnes un manque de diversité car nous n’achetons jamais de soupe chinoise, de cassoulet… il y a un autre aspect qui, de mon point de vue, est essentiel, c’est le raffinement. C’est à dire que lorsque l’on est dans la rusticité nous sommes dans un mode de vie paysan, agricole, un mode de vie qui a une certaine dureté et je me permets de dire que selon moi il est indispensable d’ajouter une touche de raffinement. Parce que produire ses légumes c’est très bien, mais découvrir de nouvelles recettes, mettre au point la « crème de courgettes », par exemple, réjouir les gens qui viennent manger chez nous avec des choses qui sont simples mais recherchées, c’est un objectif essentiel. De même avoir une belle table, avoir un jardin bien entretenu, créer un lieu plaisant ca permet d’avoir un équilibre vis à vis de cette rusticité. La bonne nouvelle, c’est qu’on vit quand même beaucoup mieux, en principe.
Annik est là depuis combien de temps ?
Ca fait deux ans, elle est partie prenante dans cette démarche, qui répondait à son désir d’une vie plus saine, plus près de la nature. Annik a souhaité changer sa vie, ainsi que nous.
Annik : Oui, effectivement. Moi, à la base, je travaillais comme assistante sociale, j’ai toujours eu un potager, des poules, des lapins. J’étais donc déjà très engagée écologiquement parlant et j’avais cette envie vraiment de vivre le plus possible en autarcie. De me détacher de plus en plus du système, être indépendante, effectivement la façon dont Frédéric vivait, correspondait à mes attentes. Voilà, cela faisait parti du processus !
Une belle rencontre et une belle association !
Présentation de l’association.
Frédéric : l’association Sigalloux est née récemment : au départ il n’était pas question d’association, il était seulement question de faire vivre le lieu pour en vivre et puis pour pouvoir se donner les moyens, comme on l’a dit, de valoriser ce patrimoine et d’essayer de le sauver du béton. Rapidement il est apparu qu’une association était nécessaire. Au départ, cette association a donné lieu à des statuts relativement simples parce que nous n’avions pas encore compris toute la portée de cette association et tout ce qu’elle permettrait de faire.
C’est au cours des Rendez-vous aux jardins 2013 que toutes les possibilités d’une association nous sont apparues : le vendredi 31 mai une classe ce cm2 est venue passer la journée, (le vendredi est consacré aux scolaires), et cette classe a visité les potagers, les jardins, etc. Nous nous étions repartis les animations : l’après-midi, j’animais un groupe de huit élèves dans le verger et j’expliquais aux élèves les différentes variétés d’arbres fruitiers et comment on les entretenait, etc… et devant les fruitiers soudain un élève m’interrompt et me dit : « Mais monsieur vos pommes ne sont pas normales », je m’en étonne, je questionne l’élève en lui demandant pourquoi à son avis mes pommes ne sont pas normales. Et il me répond très formellement : « Mais monsieur vos pommes sont trop petites ». On était le 31 mai et je lui ai expliqué que ces pommes n’étaient pas mûres et qu’il leur fallait encore deux mois de croissance pour être à maturité. La remarque de cet élève montre déjà que la plupart des enfants n’ont jamais vu de pommes sur des pommiers et ils n’ont jamais vu que des pommes au supermarché mûres et donc, avec leur taille définitive. Ils n’ont pas compris qu’une pomme devait avoir une croissance et comme j’ai été instituteur ma question a fusé tout de suite en lui demandant mais qu’est-ce qu’il y avait sur cette branche de pommier que je montrais, qu’est-ce qu’il pouvait y avoir avant les pommes ? Qu’est-ce qui a donné les pommes ? Le groupe est resté silencieux un moment, et j’ai dit « Mais il faut une fleur pour qu’il y ait une pomme ». Ils ont ouverts de grands yeux, apparemment ils n’avaient jamais compris que les fruits venaient d’une fleur, j’ai ajouté qu’il fallait qu’une fleur soit fécondée, qu’il y avait une partie mâle et une partie femelle. Que les fleurs étaient sexuées, j’avais peut-être dit un gros mot, les enfants s’étonnaient, commençaient à bouger. Là, j’ai pris en quelque sorte une claque, comme on dit, j’ai été instituteur pendant au moins 30 ans et j’ai enseigné aux élèves tout un tas de choses que l’Éducation Nationale nous demande d’enseigner et qui sont sans doute nécessaires. Mais tout d’un coup j’ai pris conscience que les bases de la vie et de notre alimentation échappaient complètement à la plupart des enfants et ça m’a paru grave parce que cette connaissance de la nature qui nous nourrit, elle est fondamentale pour bien se nourrir d’une part, et puis pour respecter cette nature vitale et là, on était dans le flou complet. Il est vrai que pour ma génération, même si on ne vivait pas à la campagne, on avait toujours un oncle qui était fermier ou un grand-père et de près ou de loin sans qu’on nous l’enseigne c’était des choses qu’on avait apprises à un moment ou un autre, qui pour nous étaient considérées comme des évidences. Or ces évidences là ne se transmettent plus auprès des jeunes. Peut-être qu’ils vont l’apprendre, même qu’ils l’ont appris dans un livre ou dans un cours mais ça n’est pas passé. Le deuxième événement qui a montré que l’association avait vraiment un rôle à jouer dans l’éducation à l’environnement, c’était aussi au rendez-vous aux jardins mais en 2014, dont le thème était l’enfant au jardin, que nous avions choisi d’illustrer par quatre textes dont « L’enfant et la rivière » de Henri Bosco. Dans ce texte deux enfants en fuite sur la rivière (on imagine la Durance, on imagine que ça se passe à la fin du XIXème ou au début du XXème), vont devoir se nourrir par leurs propres moyens parce qu’ils sont en fuite et qu’ils ne souhaitent pas être retrouvés. Henri Bosco a des pages magnifiques sur les quatre éléments et il explique, il fait dire à son héros le jeune Pascalet, que la nourriture qu’ils vont se procurer par la pêche notamment, aura une valeur que n’a ni la nourriture achetée ni même celle préparée par quelqu’un d’autre et il dit cette phrase absolument merveilleuse :« Cette nourriture donne à celui qui la mange des facultés miraculeuses car elle unit sa vie à la nature ». Dans cette phrase toute simple, il y a le fondement de notre action, les enfants d’aujourd’hui ont perdu le lien qui les relit à la nature, il y a toujours un lien puisque, s’ils mangent, s’ils respirent, s’ils bougent c’est qu’il y a un environnement. Mais ils ne savent pas que pour la poignée de chips qu’ils vont manger, au départ il a fallu de la terre, de l’eau, du soleil, des semences, du travail et ce lien-là est complètement rompu. Notre vocation pourrait essentiellement consister à aider les enfants mais aussi beaucoup d’adultes, qui sont dans la même situation, à retrouver le lien qui unit notre vie à la nature parce que ce lien est indissociable, nous ne pouvons pas vivre en dehors de la nature pour le moment. Si nous rayons la nature, nous nous rayons nous-même aussi. On a tout intérêt, à entretenir ce lien, parce que d’une part on va mieux se nourrir et d’autre part on va mieux respecter cette nature qui nous nourrit. Voilà un fondement essentiel pour l’association.
Qu’elles sont à ce jour vos plus grandes réussites ?
Première réussite de l’association c’est d’exister, ce qui est déjà beaucoup, parce que ça représente, une volonté, un travail qui ne sont pas évidents. C’est pour nous du travail supplémentaire sans aucune compensation directe, ce sont même des dépenses supplémentaires. Je pense que les plus grandes réussites, c’est justement lorsque nous avons eu les enfants et aussi le public adulte, notamment les Rendez-vous aux jardins où l’on a des remarques d’enfants qui en arrivant ici, ont une réaction de surprise, d’étonnement, et une émotion qu’on pourrait dire esthétique, certains disent c’est un « château. » Ce n’est évidemment pas un « château, » mais par rapport au lieu qu’ils habitent et aux représentations qu’ils ont, ça peut faire penser à une maison qui a quelque chose de plus. Cette émotion esthétique est fondamentale, parce que c’est grâce à cette émotion que l’on va pouvoir faire passer des connaissances. On pourrait dire d’une manière générale que dans le travail de l’association, dans nos animations nous greffons des connaissances sur des émotions. S’il n’y avait pas ces émotions, les connaissances pourraient ne pas rester, comme toutes les connaissances qu’on apprend à l’école, qu’on répète énormément et qui en fin de compte ont totalement disparu parce quelles n’ont pas été greffées sur une émotion. On pourrait très bien mener les enfants dans n’importe quel potager et leur montrer les mêmes légumes ou même de plus beaux légumes mais c’est parce que nous avons essayé de paysager le potager qu’il va y avoir une émotion qui va être liée à la connaissance que nous allons apporter. La réussite de l’association c’est de réussir à donner une émotion à des personnes qui se sont déplacées jusqu’ici et qui vont le dire ou pas forcément directement mais qui vont emporter avec eux un souvenir et des connaissances qui vont rester. Comme une graine qu’on a semé, on espère qu’elle germera et qu’elle portera ses fruits.
Qu’elles sont à ce jour vos déceptions et difficultés ?
Les difficultés on en a tous les jours, parce que nous ne sommes pas une exploitation agricole. Nous avons des revenus en nature mais nous n’avons pas de ressources financières sur la propriété. C’est essentiellement du travail. Nous fonctionnons avec des outils anciens, les pannes sont courantes. Il y a des problèmes parce qu’il y a des ravageurs partout, : les fourmis qui emportent les graines de carottes, les pies qui viennent manger les figues, les sangliers qui viennent déterrer les plantations. Il y a sans arrêt des difficultés. Il ne faut pas avoir une image bucolique de la campagne. La campagne c’est un combat quotidien, c’est le combat de la vie, parce que la vie est un combat. On ne peut pas avoir une image édulcorée de cette vie. En même temps c’est la vraie vie, c’est la vie où on a la volonté d’obtenir un résultat mais on a toujours des contrariétés, si on réussit quelque chose c’est parce qu’on a vaincu beaucoup de contrariétés ce n’est pas parce que la nature est très généreuse et qu’elle va nous offrir des fruits en abondance. Il ne faut jamais se décourager, il faut mener son combat quotidiennement pour obtenir quelque chose. On a quand même des satisfactions heureusement. On pourrait dire que nous aurions des déceptions si nous avions des ambitions très importantes, pour l’instant nous ne sommes que deux à faire fonctionner tout ça, c’était difficile de se donner de grands objectifs. Nous avons participé deux fois aux Rendez-vous aux jardins, à la Semaine du développement durable, nous avons reçu un certain nombre de classes, 8 dans l’année. En tout cas, 200 personnes environ qui sont venues dans cette première partie de l’année et qui nous ont visités et qui en sont toutes parties contentes. La déception c’est peut-être lorsque nous avons fait une réunion d’information, peut-être avons-nous mal choisi le moment, malgré la communication, nous n’avons eu que deux personnes. Ce qui tendrait à nous faire dire que même si les gens d’une manière générale sont très concernés par les problèmes environnementaux, ils ne sont pas souvent prêts à s’impliquer un peu plus en avant, ça reste une position de principe on le voit aussi dans la consommation des produits industriels par rapport aux produits bio.
Quand est venue l’idée d’embaucher pour aider au soutien administratif et au développement ?
Nous avions le projet d’embaucher quelqu’un l’année dernière sur une partie de l’année, d’une part parce que c’était quelqu’un qui avait besoin d’un emploi et d’autre part parce qu’elle était très intéressée par ce que nous faisions et aussi parce que nous ne pouvons pas faire tout ce qu’il y a à faire à deux personnes. Nous avions fait ce projet et la personne avait devancé le contrat, fait énormément de choses, pris beaucoup de contacts et puis elle nous a laissé tomber du jour au lendemain, parce qu’elle avait trouvé autre chose. C’est une des déceptions, par ailleurs, nous n’avions pas eu les financements de la commune qui nous auraient permis de payer la partie non prise en charge de son contrat aidé. C’était une première tentative qui nous a montré qu’il y avait tout un travail à faire. Mais ça s’est arrêté là. Il y a eu ensuite la rencontre avec Monsieur le Maire du Cannet-des-Maures, qui nous a dirigé vers la mission locale, Pôle-emploi et puis finalement c’est vous Christelle Camez que nous avons embauchée, pour faire tout ce travail qui va permettre à l’association de se développer, c’est à dire de se faire connaître, de trouver des adhérents, de multiplier les animations, ce que nous ne pouvions pas faire, parce que nous ne pouvons pas en même temps, entretenir la propriété, faire des animations, trouver des financements qui vont permettre de donner une autre dimension au projet et de développer des aspects que pour le moment nous ne pouvons pas prendre en charge, notamment l’éducation au respect de l’eau, la connaissance du cycle de l’eau et le respect des milieux aquatiques. Nous attendons beaucoup de cet emploi, c’est l’occasion de donner une autre dimension à l’association puisque nous avions vu que toutes les actions que nous avons entreprises auprès des enfants et des adultes ont été très intéressantes, très porteuses, toutes les maîtresses et les enseignants qui sont venus ont redemandé à revenir. Par contre, nous ne pouvons pas nous seuls assumer, ces missions d’animation.
Maintenant, qu’elles sont les plus grands projets de l’association et vos perspectives d’évolution ?
Le premier, c’est de recevoir plus de public, c’est à dire que nous avons mis au point une douzaine d’animations, qui sont donc réalisables dans la propriété, qui sont relativement simples, comme, « qu’est–ce qui pousse au potager ? Qu’est-ce qui pousse au verger ? » Mais aussi des animations qui sortent de l’ordinaire, par exemple nous avons le projet d’une animation qui consisterait à faire faire un repas par les enfants à l’extérieur en faisant un feu de bois et en récoltant des plantes comestibles et en les préparant. Le premier projet c’est donc de multiplier les animations auprès des enfants, de développer tout ce qui est possible et évidemment multiplier des animations auprès des adultes. L’année dernière, nous avons reçu une association, nous avons reçu pour la semaine du développement durable des personnes qui sont venues voir comment nous transformions nos produits, aussi bien les confitures, le pain, les pâtes, l’huile etc… On pourrait recevoir effectivement beaucoup plus de public adulte. Ensuite pour pouvoir répondre à cette demande concernant l’éducation à l’environnement, nous avons besoin de nouveaux supports, même si actuellement nous avons potager, verger, rucher, le ruisseau, la safranière, les jardins… nous pourrions faire beaucoup plus si nous avions les jardins aquatiques, si nous avions une oliveraie qui permettrait de cueillir des olives et de les transformer au moulin mitoyen et si nous avions un lieu qui soit encore plus attractif, c’est à dire où les gens vont avoir plaisir à venir, un plaisir sensoriel et ils pourront lier à ce plaisir à la nécessité de prendre en compte l’environnement et de le préserver. Tous ces projets-là, sont coûteux et l’association ne peut pas par ses propres moyens les financer. Actuellement, nous n’avons pas de financement, Par contre nous répondons à des appels à projets, nous avons répondu à l’appel à projet de la fondation « Coup de mains » des magasins « Nature et découvertes » pour un rucher pédagogique et nous avons eu l’heureuse surprise d’être sélectionnés au niveau national.
Nous attendons la suite et nous espérons que tout se mettra en place comme nous le souhaitons.