Irrigation au jardin, une expérience menée par l’association

Inutile de revenir sur les effets croissants de la sécheresse estivale. Nous savons que la sécheresse se manifeste de plus en plus tôt, de plus en plus longtemps et que les températures battront encore des records de durée et d’amplitude. L’eau devient une ressource plus rare, plus précieuse et son utilisation doit être rigoureusement raisonnée.

C’est dans cet esprit que l’association a voulu tester le Poritex . Ce produit est une alternative au goutte à goutte que nous avons abandonné pour les raisons suivantes :

– Le calcaire bouche les orifices. (Les professionnels utilisent des dispositifs coûteux pour injecter un acide avec l’eau et dissoudre le calcaire).

– L’eau de pompage doit être filtrée pour éviter que les microparticules, algues… bouchent les orifices. Le nettoyage des filtres doit être fréquent et devient vite fastidieux.

– Le goutte à goutte finit toujours par se boucher et doit être changer régulièrement ce qui a un coût et qui produit des quantités de plastique à recycler.

Le Poritex s’avère une alternative intéressante : ce n’est pas un tuyau percé, c’est un tuyau tressé qui laisse suinter l’eau entre ses fibres, il ne se bouche pas et sa durée de vie s’annonce plus longue. Il reste l’inconvénient d’un tuyau qui traîne à terre et qu’il faudra déplacer pour préparer le sol.

Nous avons donc voulu le tester sur 2 parcelles de potager que nous arrosions par aspersion auparavant. Ces parcelles mesurent 7 mètres sur 19. Nous avions donc 12 longueurs de 7 mètres. Le débit annoncé est de 4 à 8 l/h-ml suivant la pression pour une pression préconisée : 0.2 à 0.8 BAR.

Ce réseau est raccordé à une pompe de 1500 watts par l’intermédiaire d’un programmateur 4 voies Rainbird qui commande 4 électrovannes. L’arrosage pouvait donc se faire de nuit pour bénéficier du tarif « heures creuses » et limiter l’évaporation. Nous avions donc un débit de 12 x 7 mètres x 4 = 336 litres par heure en minimum et 12 x 7 mètres x 8 = 672 litres par heure en maximum. En complément, des cerisiers et pommiers étaient aussi arrosés en goutte à goutte.

Le dispositif paraît idéal : apporter l’eau nécessaire à chaque ligne sans gaspillage, limiter l’enherbement, éviter l’évaporation.

Nous n’avons pas les moyens de faire une étude approfondie avec des mesures objectives de l’efficacité du système. Néanmoins notre dispositif à 4 voies arrosait alternativement avec une durée égale 4 parcelles : 2 parcelles symétriques de potager en Poritex, 1 parcelle de potager de surface sensiblement égale en carré avec 3 asperseurs et une parcelle de plantes aromatiques diverses de surface sensiblement égale avec aussi 3 asperseurs.

Notre analyse repose donc sur la comparaison entre les 2 parcelles en Poritex et les 2 parcelles en aspersion qui ont donc reçu approximativement la même quantité d‘eau mais pas de la même façon.

Il y a en effet une différence très importante entre les parcelles en Poritex et en aspersion : Les parcelles en Poritex ont été très décevantes, les récoltes vraiment maigres et les plantes ont visiblement souffert. Sur les parcelles en irrigation la végétation a été très belle avec des rendements satisfaisants. Il se trouve que nous avons planté des patates douces dans les 2 situations : arrosées par Poritex les patates sont restées de petite taille alors qu’avec l’aspersion les patates pesaient plus ou moins 1,5 kg. Pourquoi une telle différence si la quantité d’eau a été globalement la même ? Nous nous bornerons à formuler une hypothèse qui demanderait à être formellement prouvée.

Les plantes ont besoin d’eau mais ce n’est pas l’eau qui les fait croître. Pourtant, sans cette eau elles flétrissent et meurent. Les plantes ont besoin d’eau pour transpirer de la vapeur d’eau. Cette évapotranspiration régule la température des feuilles et crée une dépression qui fait monter l’eau dans la plante. Ensuite, au niveau des racines ce sont des nutriments solubles qui passent dans le système racinaire puis dans la tige et enfin dans les feuilles. Et c’est cette sève brute qui sera transformée en sève élaborée par la photosynthèse. Au niveau des feuilles, ce sont de minuscules ouvertures semblables à des lèvres, les stomates, qui s’ouvrent pour rendre possible les échanges gazeux et qui se ferment pour empêcher le dessèchement de la plante. Il se trouve que ces stomates se ferment quand l’humidité est insuffisante aux alentours de 30 % d’humidité pour éviter le dessèchement. Les échangent gazeux cessent, la plante ne produit plus de matière, elle entre en dormance, elle attend des conditions plus favorables pour reprendre sa croissance.

Dans la capture d’écran du site meteo60.fr pour le 31 juillet 2022 (date d’été prise au hasard) on peut lire l’humidité relative dans la colonne HR %. On voit que l’humidité relative descend à 27 % à partir de 11 heures jusqu’à 21 heures soit pendant 10 heures de suite et les heures pendant lesquelles l’humidité remonte sont essentiellement des heures de nuit pendant lesquelles la photosynthèse ne peut pas se faire. On peut supposer que même bien irriguées, les plantes n’ont pas pu se développer.

Nous supposons donc que l’arrosage par aspersion, en mouillant abondamment la surface du sol provoque une évaporation continue pendant la journée, surtout aux heures les plus chaudes et que cette évaporation crée une humidité qui permet aux plantes de garder leurs stomates ouverts et de poursuivre leurs échanges gazeux et donc leur croissance. Ceci expliquerait que la même quantité d’eau n’a pas les mêmes effets selon qu’elle est ponctuellement absorbée par le sol avec le Poritex sans perte mais sans évaporation ou largement répandue par l’aspersion avec une perte par évaporation mais finalement un résultat plus positif. Cette hypothèse mériterait d’être validée en mesurant l’humidité de l’air dans les 2 situations.

Il y a quand même un problème insurmontable : l’arrosage par aspersion est interdit en alerte renforcée en cas de sécheresse sévère ce qui risque d’arriver très régulièrement…

Nous n’allons pas abandonner l’arrosage par Poritex mais nous allons le doubler par un arrosage par aspersion pour bénéficier de ses avantages tant que ce sera autorisé.

A propos Frédéric DENIZET

Président fondateur de l'association et propriétaire de la Campagne Sigalloux.

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