L’année 2022 s’est terminée avec un déficit pluviométrique d’au moins 250 mm dans notre région du sud-est, il manque donc environ 1/3 des réserves d’eau dans les sols. Le mois d’avril est statistiquement le plus pluvieux de l’année mais il ne l’a pas été en 2022 et rien ne peut assurer qu’il le soit cette année et encore moins que le déficit puisse être rattrapé. Néanmoins, il y a mieux à faire que de se lamenter.
Je suis étonné de constater, au cœur de l’été, alors que les températures diurnes montent jusqu’à 35° C ou plus et qu’il n’a pas plu depuis des mois, que beaucoup d’arbres se portent bien et ne montrent aucun signe de stress hydrique, notamment les frênes qui sont connus pour pousser là où ils trouvent de l’eau. Le sol est très sec mais il y a encore suffisamment d’eau en profondeur pour que les racines des arbres y puisent. Il en est de même pour certaines plantes comme les scabieuses ou le fenouil. Il faut donc entretenir cette réserve souterraine.
En hiver l’eau coule dans la rivière et personne ne s’en souci. Il n’y a plus de restrictions d’arrosage. C’est le moment d’arroser ! Il ne s’agit pas de faire un arrosage de surface qui serait bien inutile puisqu’il ce n’est pas le moment où les plantes et les arbres ont besoin d’eau. Il s’agit de recharger les sols en eau en profondeur comme le feraient les pluies abondantes d’octobre et d’avril. Nous avons la chance d’avoir une terre argileuse qui retient l’eau et d’avoir à moins d’un mètre de profondeur un lit d’argile grise, vestige d’une rivière des temps géologiques. L’eau qui s’infiltre est donc arrêtée par cette barrière naturelle et suit sa pente.
Le dispositif consiste donc à pomper de nuit (pour bénéficier du tarif « heures creuses ») et de diriger l’eau à l’aide d’un tuyau souple de diamètre 25 connecté aux différentes prises de notre installation. La pompe a un débit nominal de 5 m³ par heure mais compte tenu des pertes de charge on comptera plutôt 4 m³ par heure. La pompe fonctionne pendant 3 heures. Il y a donc 12 m³ qui sont apportés de point en point avec un maillage de 20 m x 20 m environ.
Il est très étonnant de constater que cette quantité d’eau qui n’est pas négligeable ne laisse qu’un petit m² humide en surface. Cela s’explique sans doute par la qualité d’un sol aéré dont les micro-trous générés par la bioturbation permettent une grande absorption.
L’eau commence par occuper tous les aspérités qu’elle trouve et toute la matière organique hydrophile et dans un premier temps le sol retient l’eau jusqu’à saturation de ce qu’on appelle la « réserve utile » RU. Un peu comme une éponge absorbe l’eau tant qu’il y a de la place dans les alvéoles dont elle est constituée. Mais il arrive un moment où il n’y a plus de place, il y a percolation, l’eau excédentaire descend plus profondément par gravité et c’est cette eau-là qui peut recharger les nappes phréatiques plus ou moins profondément selon le profil du sol et aussi alimenter les cours d’eau. Comment l’eau se répartit-elle dans le sol ? C’est difficile à dire, il faudrait poser des tenseurs ou faire une tranchée pour observer le profil de la masse d’eau déployée à la fois par gravité et par capillarité.
Autrefois, avant l’arrivée du tracteur, de grandes surfaces étaient consacrées au fourrage pour l’alimentation des animaux et ces prairies étaient irriguées par gravité à partir de canaux qui inondaient de place en place les parcelles. Cela permettait de faire plusieurs coupes. Cette irrigation contribuaient certainement à l’alimentation des nappes. C’est sans doute pour cela que notre puits qui date au plus tard du XVIII ème siècle ne fait pas plus de 10 mètres de profondeur et qu’il n’a jamais été à sec jusqu’aux années 70.
Stocker de l’eau dans les sols en hiver serait une technique ancienne déjà pratiquée par les romains en Occitanie selon une information dont j’ai perdu la trace. Cela semble donc une adaptation nécessaire à l’évolution de climat.
Néanmoins, cela ne peut se faire qu’à certaines conditions :
– Le sol doit pouvoir retenir l’eau, un sol sableux ne le ferait pas.
– Le sol doit pouvoir absorber l’eau, un sol tassé ne le ferait pas.
– Le sol doit être plat, un sol en pente ne retiendrait pas l’eau longtemps.
– Le sol ne doit pas être « noyé ». Un sol noyé devient « anoxique », privée d’oxygène la vie du sol est bouleversée, les organismes anaérobies prennent le dessus et des champignons pathogènes peuvent rendre le sol impropre aux cultures pour des années. Le remède serait pire que le mal.
– le sol doit impérativement être couvert soit par des couverts végétaux comme les engrais verts ou par un paillage de qui va le protéger du soleil et limiter l’évaporation.
Nous devons nous adapter. Nous espérons qu’une série d’adaptations (choix des plants, irrigation, couverts végétaux, paillage…) nous permettra de continuer à faire fructifier notre terre.