De la terre abandonnée au jardin nourricier
J’ai (Frédéric Denizet) hérité d’une propriété qui est dans ma famille depuis 1794.
Mon père avait cultivé ses terres avec le plus grand soin selon les techniques de l’agriculture conventionnelle. Ce qui avait fini par épuiser la terre.
Tous les arbres fruitiers ont été arrachés après son décès. Il ne restait plus que des hectares de chiendent et de graminées qui grillaient en été. Nous savions le prix du travail acharné pour vivre de la terre.
Mon père était mort accidentellement au travail un triste lendemain de Noël. Et cette terre qui nous avait nourris semblait devenue maudite pour la famille. Elle aurait pu être vendue avec la perspective de gros profits puisqu’il était question de la faire passer en « constructible avec la possibilité de faire des immeubles. La proximité du centre-ville la destinait naturellement à cette vocation.
Mais c’était sans compter avec le sens de la terre, l’attachement à cette terre, la fascination pour la vie végétale quand ils ont nourri l’enfance.
Après avoir connu la vie urbaine et un travail intellectuel, le retour à la terre s’est imposé naturellement, comme une évidence dont on n’éprouve pas le besoin de se justifier.
Il faut imaginer une bastide du 18ème siècle et quelques hectares de terre autour. Mais depuis des années, depuis 20 ans, il n’y a plus rien sur ces terres.
Ce premier pas avait permis d’avoir quelques récoltes mais surtout de prendre goût au travail du jardin, de faire des projets, d’imaginer des adaptations aux difficultés rencontrées.
Dès le départ, il n’avait pas été envisagé d’utiliser des produits chimiques, ni engrais, ni pesticides. Il n’était pas question de retour en arrière, de se retrouver dépendant de fournisseurs alors que c’était une petite autonomie alimentaire. Et pourtant, les difficultés sont arrivées très rapidement : sécheresse et canicule, mistral violent qui dessèche tout, terre pauvre en matière organique, ravageurs divers. Au lieu de provoquer du découragement, ces difficultés ont excité la curiosité et ce fut le début d’une longue démarche qui se poursuit encore et dont les acquis certains doivent toujours laisser place à la modestie. Il aura fallu presque deux décennies pour se sentir mieux armés à la fois pour conduire nos cultures dans les conditions locales du climat méditerranéen ( et de la ville la plus chaude en France par la moyenne de ses maximales) et dans la perspective d’un dérèglement climatique dont nous avons pu sentir les effets et que nous pouvons mieux anticiper maintenant.